08 juillet 2021

pictogramme temps Lecture 4 mn

L’Europe montre la voie en écrivant les premiers standards publics de reporting du développement durable

 Que retenir de ces engagements et quels enjeux d’assurance envers les informations extra-financières ?

  En Décembre 2019, la Commission Européenne avait rendu publique l’annonce d’un « Green Deal », réaffirmant ainsi l’engagement de l’Europe à relever les défis liés au climat et à l’environnement. La Commission, dans sa communication officielle[1], précisait que le Green Deal européen représente une nouvelle stratégie de croissance qui « vise à transformer l'UE en une société équitable et prospère, dotée d'une économie moderne, efficace dans l'utilisation des ressources et compétitive, où il n'y aura pas d'émissions nettes de gaz à effet de serre en 2050 et où la croissance économique sera découplée de l'utilisation des ressources ». L’Europe présentait alors une nouvelle stratégie de financement durable pour le troisième trimestre de 2020 et annonçait la révision de la directive relative au reporting non financier (« NFRD » - Non-Financial Reporting Directive) de 2014. Depuis, l’agenda de l’Europe s’est accentué et l’appareil législatif a sensiblement évolué. Tout d’abord, en matière de finance durable, l’Union Européenne clarifie ce qu’elle attend des investisseurs. D’après l’Union, la finance durable se définit comme « le processus de prise en compte des considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) lors des décisions d'investissement dans le secteur financier, ce qui conduit à des investissements à plus long terme dans des activités et des projets économiques durables »[2]. Elle vise d’une part à soutenir une croissance économique tout en réduisant la pression sur le E, le S et le G (environnement, social et gouvernance), mais aussi à accroître la transparence liée aux risques ESG qui impactent le système financier.   Parmi de nombreuses initiatives[3], nous pouvons mentionner deux avancées majeures : la taxonomie et la SFRD (ou Sustainability-related disclosure in the financial services sector). La première[4], mise en place en juillet 2020, constitue un système de classification des activités économiques écologiquement durables, permettant l’alignement de l’investissement sur ces activités. La seconde, est applicable depuis mars 2021 et établit des obligations d’information sur le développement durable pour tous les acteurs de la finance, mais aussi sur le développement durable au niveau des produits financiers. La deuxième pierre angulaire de la stratégie européenne est la révision de la directive NFRD, en ce qui deviendrait sous peu, la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Le 21 avril 2021, la commission a rendu public les axes stratégiques de la révision[5]. Trois points majeurs se dégagent de la proposition.
  • Le premier : étendre le périmètre de la nouvelle directive de 11 000 entreprises à 49 000 entreprises, notamment en faisant passer le critère d’applicabilité de l’actuelle NFRD à toutes les sociétés de plus de 500 salariés cotées ou non.
  • Le second, concerne l’établissement prévu de standards de reporting du développement durable. Ce qui constitue une première mondiale de la part d’une institution publique[6].
  • Le troisième, non sans impact pour les acteurs de l’assurance, prévoit l’obligation d’un audit indépendant des éléments publiés en matière de développement durable.
Trois autres points sont à noter : la digitalisation des données, l’arrivé de l’immatériel dans la directive et la proposition d’un reporting volontaire mais standardisé, pour les PMEs. La révision a aussi consacré de manière claire et définitive que la pierre angulaire du reporting serait le principle de « double matérialité »[7].   Enfin, et pour préparer l’écriture de ces futurs standards de reporting de développement durable, l’UE peut s’appuyer sur les 54 recommandations de la taskforce dirigée par Patrick de Cambourg[8]. Que faut-il retenir de ces recommandations ? Tout d’abord, les activités de normalisation seront conduites dans l’intérêt public, et toutes les entreprises seront traitées à égalité. Ce sont les premiers standards qui seront écrits dans ce sens, pour le reporting du développement durable. Les standards adresseront toutes les parties prenantes, et non pas les investisseurs comme seule partie prenante, ou partie prenante principale. Ensuite, ces recommandations adressent deux points fondamentaux et spécifiques au développement durable : la notion d’information prospective (forward-looking information), par exemple l’écriture de scénarios ou la publication d’objectifs stratégiques à 5 ou 10 ans et la notion de connectivité entre le financier et l’extra-financier[9]. Par ailleurs, les recommandations consacrent une volonté de coopération et de coordination internationale dans le cadre du processus d’harmonisation globale, dans une approche de co-construction. Enfin, et fait particulièrement innovant en matière de reporting du développement durable, pour la première fois, le monde financier et extra-financier seront coordonnés par la même entité, l’EFRAG, ce qui donnera la possibilité à de vrais connexions entre les deux « jambes » ( souvent utilisée par M. Patrick de Cambourg), et consacre l’intention, pour le régulateur, d’apporter désormais aux éléments du développement durable la même attention qu’il n’est aujourd’hui apporté aux éléments financiers dans la normalisation comptable[10].   Delphine Gibassier. Full Professor of Accounting for Sustainable Development, Integrated Multi-Capital Integrated Performance Research Chair Director (Chaire de Recherche), Executive MBA Chief Value Officer Academic Director [7] Pour en savoir plus sur la matérialité, c’est ici : https://www.anc.gouv.fr/files/live/sites/anc/files/contributed/ANC/3_Recherche/D_Etats%20generaux/2020/Policy%20papers/TR4_VE-paper-Delphine-Gibassier.pdf et sur la double matérialité c’est ici https://ec.europa.eu/info/publications/non-financial-reporting-guidelines_en (Guidelines on reporting climate-related information)