25 mai 2022
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« Il y a beaucoup de points de convergence entre l’audit et la RSE »
Virginie Masurel, Directrice RSE du groupe Korian
Aujourd’hui Directrice RSE du groupe Korian, Virginie Masurel était auparavant Directrice de l’audit et du contrôle internes de l’entreprise. Un changement d’orientation qu’elle a expliqué à l’IFACI, tout en donnant sa vision du métier d’auditeur et des passerelles – existantes et encore à créer – avec la RSE.
Pourriez-vous nous rappeler votre parcours ?
Virginie Masurel : Je suis directrice RSE du groupe Korian depuis février 2021. J’étais auparavant directrice audit et contrôle internes dans ce même groupe. Je supervisais également les risques et j’avais mis en place le service de compliance. J’étais rentrée chez Korian en septembre 2016. Précédemment j’ai été directrice de l’audit interne chez Saur, groupe de traitement de l’eau, et encore auparavant j’avais passé 16 ans chez KPMG en audit externe dans le secteur financier.
Pourquoi avoir quitté l’audit pour la RSE ?
V.M. : J’étais arrivée à un moment de ma carrière où j’estimais que j’avais fait le tour du métier d’auditrice. Et ce même si on apprend toujours, ce qui est d’ailleurs une des particularités de ce métier. Mais j’avais envie de voir les choses avec une perspective différente.
J’avais déjà évoqué ma volonté de changement avec mon N+1 de l’époque, qui était le directeur financier, et une opportunité s’est présentée. La RSE réunissait des thèmes qui me tiennent à cœur, dans une entreprise qui a du sens qui plus est, avec la possibilité de donner une vision prospective, très constructive, axée sur la recherche de solutions, de plans d’action pour le futur…
« Pour moi, la RSE ne se conçoit pas comme un sujet à part »
Par ailleurs, il y a beaucoup de points de convergence entre l’audit et la RSE.Celle-ci requiert de la rigueur, de mettre en place une méthodologie. Il y a le poids d’une réglementation européenne croissante. Autant d’éléments qui rendent importants d’y faire contribuer des profils capables d’apporter cette rigueur et cette méthodologie. Et puis il existait déjà des passerelles. J’étais par exemple, dans mon poste précédent, en charge de la coordination des risques globaux, qui incluaient les risques extra-financiers. Même chose en ce qui concerne la compliance, l’anti-corruption : ces sujets sont également abordés dans le cadre de la RSE .
Dans les deux cas, les postes sont très transversaux , avec un rôle de coordination au niveau du groupe, et une vision internationale, qui personnellement m’est chère.
Comment s’est déroulée la transition ?
V.M. : Changer de poste au sein d’une même entreprise, c’est à priori plus facile. Je connaissais l’organisation et beaucoup de mes futurs interlocuteurs. En revanche, je ne connaissais encore pas les collaborateurs travaillant sur les sujets relatifs à l’environnement. Et puis la RSE est une matière nouvelle, contrairement à l’audit qui est une fonction plus établie.
Néanmoins, j’ai pu m’inspirer de =mon expérience d’avoir créé le département d’audit interne chez Korian pour lequel j’étais quasiment partie d’une feuille blanche à l’époque. Pour la RSE, je ne partais pas de zéro, il y avait des choses qui avaient été mises en place, mais la RSE est un sujet plus mouvant et il fallait renforcer la gouvernance, mettre en place un reporting, recruter… Et rendre le sujet un peu plus régalien tout en étant intégré dans les opérations et les fonctions existantes. Pour moi, la RSE ne se conçoit pas comme un sujet à part.
« On aborde trop souvent la RSE uniquement sous l’angle de l’environnement »
Comment est organisé votre département ?
V.M. : Trois personnes travaillent avec moi. C’est une équipe assez restreinte, justement parce que j’ai des relais au sein de chaque fonction groupe, selon nos cinq piliers de la RSE : « Assurer l’excellence du soin dans le respect de la dignité et le libre choix de chacun ; Etre employeur de référence ; Contribuer à la recherche de solutions innovantes pour une société plus inclusive ; Etre un acteur local engagé et responsable ; Réduire notre empreinte environnementale ». J’interagis avec les différents relais en fonction des sujets, comme le directeur des achats par exemple ou la directrice technique de l’immobilier. J’ai également un à deux ambassadeurs RSE par pays, qui coordonnent les fonctions sur leur territoire. Donc un système de gouvernance très matriciel. Je présente nos avancées au comité spécialisé ethique, qualité et RSE du conseil d’administration et j’ai également créé des comités de pilotage groupe qui permettent de suivre la mise en œuvre des plans d’action afin d’atteindre les objectifs fixés mais aussi de partager l’information.
Pensez-vous que les auditeurs sont suffisamment sensibilisés aujourd’hui aux thématiques RSE ?
V.M. : Au niveau de la cartographie des risques, il y a certains sujets RSE qui sont clairement identifiés. Au niveau des process en revanche, la partie RSE n’est pas toujours intégrée, mais ce n’est pas que le fait des auditeurs. En discutant avec d’autres fonctions, je me rends compte que beaucoup ont du mal à bien comprendre ce qu’est la RSE. J’aimerais pouvoir vulgariser ce sujet. C’est peut-être un thème de formation, mais ce n’est pas simple à organiser car les enjeux RSE de chaque entreprise sont différents.
Les grandes écoles elles-mêmes, qui forment aussi les futurs auditeurs, l’abordent assez peu…
V.M. : Oui, il faudrait travailler sur un socle commun. Je trouve que l’on aborde trop souvent la RSE uniquement sous l’angle de l’environnement, qui est certes un sujet primordial et urgent, mais il y a aussi d‘autres enjeux qu’il ne faut pas oublier, comme la sécurité et la qualité de vie au travail, la formation, qui est un gros enjeu par exemple chez Korian. C’est aussi la diversité, l’inclusion… Il faudrait donc en parler plus tôt, d’autant que les jeunes sont plus enclins à vouloir être acteurs de la société. Il faudrait leur apprendre à appréhender ces questions, même s’ils ne souhaitent pas forcément travailler dans la RSE. Il faut au moins en comprendre les enjeux.
« Prendre le temps d’acquérir la méthodologie, la rigueur »
Quel rôle pourrait jouer l’IFACI ?
V.M. : L’IFACI a pris conscience très tôt de cette nécessité pour les auditeurs d’aborder les questions RSE. Lorsque j’étais administratrice, nous avons abordé le sujet en conseil d’administration dès 2018. La crise sanitaire a ralenti un peu les choses, mais l’IFACI est bien placé pour imaginer des formations, en lien avec des professionnels de la RSE.
Lorsque vous étiez encore DAI, avez-vous connu des difficultés de recrutement ?
V.M. : J’ai recruté deux auditeurs juste avant de quitter mon poste et je n’ai pas eu de difficultés. Ils venaient tous deux de l’audit externe. Un point intéressant : tous les candidats ont cité la stratégie RSE du groupe comme un élément motivant.
Un conseil pour les jeunes auditeurs internes dans leur choix de carrière ? Passer forcément par l’audit externe ?
V.M. : Venant moi-même de l’audit externe, je considère que c’est une très bonne école. Et ayant eu des petits services d’audit, je n’avais pas la capacité de former des jeunes diplômés sortant juste de l’école. Toutefois j’ai déjà eu un alternant qui est resté et est devenu auditeur. Donc, il y a des exceptions.
Je leur conseillerais surtout de prendre le temps, de ne pas considérer trop vite qu’ils ont tout appris. Qu’ils prennent le temps d’acquérir la méthodologie, la rigueur… Le fait de travailler de façon transverse également, ce qui leur servira toute leur vie, que ce soit dans l’audit, la finance ou vers d’autres horizons, car les auditeurs ont un panel très large de possibilités.