16 novembre 2020
Lecture 7 mn
ETI comment engager une véritable démarche RSE avec Jean-Michel Scuitto, GSE
Jean-Michel Scuitto est Directeur audit, risques, éthique & RSE de GSE (Global Solutions & Engineering). La responsabilité sociétale et environnementale a pris une dimension croissante au sein du groupe, ce qui a nécessité une forte volonté d’engagement de la part
de la gouvernance comme des collaborateurs. Une démarche qui est loin d’être simple au sein des ETI françaises où, si la volonté est là, les moyens manquent souvent pour avancer plus vite.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et parler de votre rôle au sein de GSE ?
Jean-Michel Scuitto : Après quelques années dans l’inspection bancaire puis l’audit interne, je me suis orienté vers le contrôle de gestion. Je suis entré chez GSE en 2000, où j’ai exercé différentes fonctions avant de devenir en 2016 Directeur audit, risques, éthique et RSE. Une mission définie en relation directe avec le Président du groupe, très fortement orientée sur l’opérationnel et axée sur la gestion des risques. Dans les process, la gestion des risques apparaît très tôt, dès la qualification des pistes commerciales, avec un balisage jusqu’à la signature des contrats. Au-delà, je réalise tous les mois une cartographie des risques de production, qui couvre tous nos projets en cours ainsi que ceux qui ont été récemment livrés. Cela représente une centaine de projets qui sont examinés au travers d’une quinzaine d’indicateurs. Ce travail est effectué en concertation avec la Direction technique, les services financiers et le contrôle de gestion. Nous avons ainsi une vision globale des projets et des risques associés. S’y ajoute un processus d’alerte hebdomadaire qui va émettre des signalements aux hiérarchies et la mise en place de plans d’actions.
Comment est née la volonté d’une forte politique RSE chez GSE ?
J-M.S. : Nous avons un Président très sensible à ces questions, ce qui a bien sûr facilité la démarche. Au tout début des années 2000, Kofi Annan, Secrétaire général des Nations-Unies, a lancé une initiative mondiale pour le développement durable. En 2003 est née en France une association, le « Global Compact French Network ». GSE a fait partie des premières entreprises signataires et a même siégé au Conseil d’administration depuis cette date jusqu’en juin dernier. Nous étions donc très actifs, mais nous n’avions pas de structuration interne de la démarche RSE. Quand j’ai commencé à m’en occuper, nous avons cherché à analyser nos points positifs comme nos sous-performances et ainsi défini nos objectifs de progression.
Comment cela s’est-il concrétisé ?
J-M.S. : J’ai rédigé une charte éthique, qui est arrivée tout de suite après la charte anti- corruption et la procédure de protection des lanceurs d’alerte. J’ai soumis cette charte à un comité de lecture que j’ai construit avec des personnalités du groupe : elle représente donc un partage de notre vision. J’ai ensuite également rédigé une charte achat responsable, dont j’ai discuté avec un panel de sous-traitants et qui est équilibrée entre nos exigences et ce qu’ils sont en droit d’attendre de GSE. Dès 2016, nous avons initié des formations de sensibilisation aux risques de corruption, notamment auprès de notre filiale chinoise de Shanghai, que nous avons rapidement généralisées à l’ensemble du groupe. Début 2017, en parallèle au développement de Sapin 2 – et même si nous n’étions pas directement concernés puisque nous n’avons pas atteint le seuil des 500 salariés – nous avons créé des programmes d’e-learning pour l’ensemble de nos salariés. Depuis sa mise en place, ce sont 570 personnes qui ont suivi cette formation. Logiquement, je suis devenu le référent éthique du groupe. En parallèle, un client grand compte a demandé à GSE de réaliser une évaluation de ses pratiques RSE sur la plateforme ECOVADIS. Une mission qui m’a été confiée. J’ai compilé un grand nombre d’informations sur GSE en matière sociale, environnementale, d’éthique des affaires et d’achats responsables. Nous avons été évalués au niveau de labélisation « Silver » puis « Gold » l’année suivante et encore aujourd’hui. Cela a permis de mettre rapidement en évidence des lacunes. J’ai donc travaillé à rédiger un véritable rapport RSE, Cette partie RSE de mes fonctions s’est vite révélée chronophage. Cela m’a amené, il y a deux ans, à recruter une cheffe de projet RSE, Constance Lordon.
Vous avez aussi engagé une stratégie en trois axes autour de la responsabilité sociétale...
J.-M.S. : Oui, d’abord en pilotant la durabilité avec, au niveau de la gouvernance, la volonté d’incorporer la RSE à la stratégie de l’entreprise, mais aussi en dialoguant avec nos parties prenantes, salariés, partenaires fournisseurs ou sous-traitants, et bien sûr nos clients. Avec les collaborateurs nous cherchons à respecter les droits de chacun et la diversité, en leur assurant sécurité et bien-être tout en développant des pratiques responsables auxquelles ils sont très sensibles. Enfin, nous souhaitons soutenir les territoires, grâce à un ancrage local (nous avons 12 agences en France), en favorisant la conception et la construction durable ainsi que les achats responsables, si possible locaux. Nos activités induisent 2 100 emplois plein temps chez nos partenaires.
Cette démarche a-t-elle été facile et bien comprise au sein du groupe ?
J-M.S. : D’abord, comme je vous le disais, nous avons un Président motivé par ces questions, ce qui constitue un appui fort. Très rapidement beaucoup de personnes ont compris la nécessité d’avoir une démarche durable. Début 2019, nous avons créé un comité RSE, qui se réunit quatre fois par an, qui définit la stratégie et valide les actions. En 2018 nous avons établi une enquête de matérialité en liaison avec toutes les parties prenantes de l’entreprise pour connaître leurs attentes en termes de RSE, en faisant le lien avec nos risques, ce qui nous a permis de définir une feuille de route avec des objectifs à atteindre à l’horizon 2025, ce qui clairement figure dans le rapport RSE que nous venons de publier en juillet(2). Aujourd’hui, 70 % de nos objectifs sont atteints. Notre rapport précédent avait été présenté au Global Compact France, sa revue nous a amenés à faire désormais partie du « Club advanced » des entreprises en pointe en termes de rapport développement durable.
Vous n’êtes pas soumis aux obligations de rapport extra-financier, mais avez-vous également une démarche en ce sens?
J-M.S. : Nous dépasserons peut- être les 500 salariés en 2021 ou 2022, et donc nous nous sommes déjà préparés. Nous suivons les recommandations du GRI (Global Reporting Initiative) qui permettent de se rattacher à une norme de présentation internationale. En ce qui concerne la loi PACTE et la notion de raison d’être, nous nous sommes posés la question, mais pour l’instant, nous considérons que l’entreprise n’est pas prête. Tous les salariés ne comprendraient pas. Et puis, un certain nombre d’ONG pensent que la démarche est assez éloignée des objectifs fixés au départ. Il y a un aspect « green washing » dans lequel nous ne voulions pas rentrer.
Il est toujours difficile aujourd’hui pour une entreprise de s’engager dans une démarche environnementale sans que cela passe pour du « green washing » ...
J-M.S. : Il faut impérativement être totalement transparent. Tout ce que nous faisons, nous l’affichons sur notre site internet et on peut le télécharger : rapports, chartes... Nous n’hésitons pas à mettre en avant nos points faibles.
Une telle démarche RSE n’est pas toujours facile pour une ETI...
J-M.S. : Certaines n’en n’ont effectivement pas les moyens, même si elles en ont la volonté. De nombreuses PME et ETI sont au conseil d’administration du Global Compact France mais je reconnais que ce n’est pas aisé pour de petites structures. Nous avons mis en place un réseau de correspondants internes afin de recueillir les attentes et diffuser les messages.
Quels conseils pourriez-vous leur donner ?
J-M.S. : La première chose à faire, c’est un état des lieux. Un des volets est le social, avec un inventaire de ce que l’on fait pour les salariés (santé, bien-être,...) et il faut se poser la question de savoir si c’est suffisant ou pas pour pouvoir se fixer des objectifs. C’est un peu plus compliqué sur la partie environnementale, parce qu’il faut avoir des éléments de mesure selon son activité (C02, consommation énergétique,...). Chez GSE, nous cherchons à mesurer l’impact de nos réalisations : origine des matériaux, durabilité, etc. Nous avons une cellule de certification environnementale rattachée à la Direction technique groupe, avec un Think Tank, « le Lab », qui s’assure que nos projets répondent à des labels internationaux : tout cela a un coût. Il faut aussi penser à organiser une veille règlementaire, c’est également souvent difficile pour les ETI, qui, par exemple, n’ont pas toujours de dispositif pour les lanceurs d’alerte alors qu’il est obligatoire au-dessus de 50 salariés.
Pour une entreprise qui est dans le domaine de la construction comme GSE, les questions environnementales peuvent rapidement avoir un impact sur la marge et la rentabilité...
J.-M.S. : L’an dernier, au comité RSE, nous avons proposé de créer un poste dédié au bâtiment développement durable, pour continuer à développer notre expertise et notre offre en intégrant des principes de construction et des matériaux à un niveau de prix concurrentiel, avec un minimum de surcoût. Cela a été validé, inscrit au budget 2020 et le poste a été pourvu le 1er juillet.
Quelles sont les prochaines étapes ?
J.-M.S. : Nous voulons réellement mettre la RSE au centre de tout. Une vision partagée y compris par la direction commerciale.
Nous allons refondre notre site internet, nos offres commerciales... Nous devons mieux mettre en évidence ce que nous faisons. Il y a encore un gros travail de communication à faire en externe comme en interne.
https://www.globalcompact-france.org/ (2) GSE page Ethique et RSE avec lien
sur le rapport : http://www.gsegroup.com/ Qui-sommes-nous/Ethique-et-RSE