09 février 2023
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ESG : La nouvelle donne européenne pour les entreprises et les comités d’audit
On le sait désormais : de nouvelles normes ESG (environnementales, sociales et de gouvernance) vont être mises en place pour pousser les entreprises européennes à adopter des pratiques encore plus durables et responsables. Avec notamment des conséquences sur les rapports extra-financiers dont les obligations vont être étendues. Quelles entreprises vont être concernées ? Qu’est-ce que cela va changer ? Comment se préparer à ces changements et les anticiper ? L’IFACI fait le point.
Les sujets ESG ont été au cœur de la dernière conférence de l’IFACI, qui s’est tenue les 28 et 29 novembre dernier à Montrouge*. Un sujet d’autant plus d’actualité que l’EFRAG (Groupe consultatif pour l’information financière en Europe) a publié en avril 2022 un premier projet de normes sur le développement durable, destiné à recueillir les avis des parties prenantes (plus de 700 auraient adressé des commentaires). Il préfigure de nouvelles obligations pour les entreprises en termes de rapports sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance, mais aussi en termes d’audit sur les informations apportées. De nouvelles règles qui font suite à la proposition de la directive européenne sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD), qui visent là aussi à renforcer les exigences en matière de rapports sur le développement durable, dans le cadre de la directive existante sur les rapports non financiers (NFRD).
Et quelques jours seulement avant la conférence de l’IFACI, le 22 novembre, l’EFRAG a justement remis ses conclusions à la Commission européenne avec ses premiers projets de « normes européennes d’information en matière de durabilité » (ESRS), posant les bases d’une façon commune de traiter ces questions dans tous les pays européens. Pour autant, le débat n’est pas clos, puisque la Commission européenne s’est donnée jusqu’au 30 juin 2023 pour statuer par le biais d’actes délégués (les États membres n'auront donc pas besoin de revoter). Un délai qui lui permettra de consulter encore différents groupes, pour s’assurer notamment que ces mesures sont bien cohérentes avec les différentes politiques et réglementations européennes existantes.
Des changements majeurs
Depuis 2017, les entreprises européennes ont déjà l'obligation de produire un rapport extra-financier. Obligation qui concerne jusqu’à présent les entreprises de plus de 500 employés, qui doivent en réaliser un chaque année. Les entreprises de moins de 500 employés ont l'obligation d’en produire un tous les quatre ans. Ce rapport doit présenter les informations non financières relatives aux impacts ESG de l'entreprise et vise à renforcer sa transparence et sa responsabilité. Des rapports élaborés selon des lignes directrices précises, afin de garantir une comparabilité entre les différentes organisations.
Les rapports extra-financiers doivent notamment inclure des informations sur la stratégie ESG de l'entreprise, ses politiques et performances en matière d'environnement, de respect des droits de l'homme, de relations avec les parties prenantes et de gouvernance d'entreprise.
Les conclusions de l’EFRAG prévoient des changements majeurs, parmi lesquels :
- La normalisation des informations en matière de durabilité avec la prise en compte, donc, des nouvelles « normes européennes d’information en matière de durabilité » (ESRS).
- Le nouveau champ d’application des rapports extra-financiers, qui va être étendu : toutes les entreprises remplissant deux des trois critères suivants vont être désormais concernées : 250 employés (contre 500 auparavant), 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, ou 20 millions d’euros de bilan. Toutes les PME cotées (de 10 à 250 employés) le seront également, tout comme les filiales européennes de sociétés mères non européennes réalisant plus de 150 000 € de chiffre d’affaires en Europe.
Environ 50 000 établissements vont ainsi être concernés contre 11 000 auparavant.
- L’audit des informations produites, qui devra être réalisé via un organisme tiers indépendant (OTI) et délivrer une « assurance raisonnable » (du niveau de celle requise pour les informations financières) à compter de 2028.
- La publication obligatoire des données dans le rapport de gestion, « dans un format numérique lisible par une machine ».
Les ESRS sont composées de 12 normes, regroupées au sein des trois grands thèmes ESG (environnement, social, gouvernance), auquel s’ajoute un thème « transversal » :
- Environnement : changement climatique, pollution, ressources en eau et ressources marines, biodiversité, utilisation des ressources et économie circulaire…
- Social : main-d’œuvre, communautés touchées, consommateurs et les utilisateurs finaux…
- Gouvernance : gouvernance, gestion des risques, contrôle interne et conduite des affaires
- Transversal : principes généraux, stratégie, gouvernance, et évaluation de la matérialité…
Le rapport sera élaboré par les entreprise à partir d’une analyse de la double matérialité, permettant de fournir une image fidèle et complète de leur performance en prenant en compte à la fois les aspects quantitatifs et qualitatifs ainsi que les externalités des activités.
Quant à l’entrée en application de ces mesures, elle devrait se faire par étapes :
- Dès le 1er janvier 2024 (reporting en 2025) pour les entreprises de plus de 500 employés déjà̀ soumises à la NFRD.
- Au 1er janvier 2025 pour les entreprises remplissant deux des trois critères suivants : 250 employés, 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 20 millions d’euros de bilan.
- Au 1er janvier 2026 pour les PME cotées de 10 à 250 employés (mais avec la possibilité de différer leur obligation de reporting pendant 3 ans avec un standard allégé.
- Au 1er janvier 2028 pour les filiales européennes de sociétés mères non européennes qui réalisent plus de 150 000 € de chiffre d’affaires en
Les critères ESG
- E comme environnement : gestion des déchets, réduction des émissions de gaz à effet de serre et prévention des risques environnementaux.
- S comme social : prévention des accidents, formation du personnel, respect du droit des employés, chaîne de sous-traitance (supply chain) et dialogue social.
- G comme gouvernance : indépendance du conseil d’administration, structure de gestion et présence d’un comité de vérification des comptes.
L’EFRAG
L’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a été créé en 2001 par l’Union européenne et le secteur privé, pour apporter des conseils techniques à la Commission européenne sur les questions comptables. Il a également été chargé de participer à l’élaboration de normes de durabilité IFRS. Et en avril 2021, dans le cadre du Green Deal européen, l’EFRAG a été désigné comme conseiller technique de la Commission chargé d’élaborer les normes européennes de rapport sur le développement durable (ESRS).