29 juin 2023
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Une nouvelle communauté IFACI dédiée à la gestion des risques pour les « entreprises à forte croissance »
Souvent issues de la « tech », ces organisations et leurs responsables d’audit et de contrôle internes ne trouvent pas toujours de réponses adaptées à leurs problématiques spécifiques. Adel Rahmani, responsable de l’audit interne de Descartes Underwriting1, a souhaité créer une communauté pour échanger autour des expériences de chacun. Une initiative accompagnée par l’IFACI qui réunit déjà plusieurs dizaines d’auditeurs et contrôleurs internes issus de différents secteurs d’activité.
Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
Adel Rahmani : J’ai débuté ma carrière en tant qu’auditeur interne en banque de détail, une filiale de la Société Générale a l’international. J’ai par la suite rejoint le monde de l’assurance au sein du Groupe AXA, d’abord en entité où j’avais la responsabilité du département d’audit interne en local, puis au niveau Central en intégrant l’équipe d’audit interne du Groupe, pour ensuite rejoindre la seconde ligne de maîtrise au sein de la fonction conformité Groupe. J’y avais la responsabilité du dispositif de contrôle interne ainsi que le pilotage et la gestion des risques de conformité pour l’ensemble des entités du Groupe.
Durant ce parcours, j’ai eu l’opportunité de couvrir ou de superviser différents périmètres, avec des degrés de maturité différents, que ce soit du point de vue du contexte réglementaire local ou de l’organisation des entités concernées.
J’ai rejoint Descartes Underwriting1 début 2022 en tant que Directeur de l’Audit Interne. C’est une insurtech2/Climatech3 créée par des anciens du groupe AXA, spécialisée dans les produits d’assurance paramétriques, couvrant essentiellement les risques climatiques. Au début de son activité, Descartes Underwriting concevait, tarifait et commercialisait des produits d’assurance pour le compte de porteurs de risques (autres assureurs). Depuis fin 2022, en plus de son activité historique, l’entreprise est également devenu un assureur grands risques via sa filiale Descartes Insurance agrée par l’ACPR, pouvant opérer en France mais également au sein de l’espace économique européen.
Un parcours qui vous a permis de mieux cerner un certain nombre de problématiques métier ?
A.R. : Descartes Underwriting a été pour moi un environnement nouveau, riche de ses spécificités telles que la croissance rapide de l’activité et également des effectifs, l’évolution fréquente des processus, la très forte composante tech mais aussi l’expansion rapide à l’international avec tout ce que cela signifie en matière de différences dans les réglementations applicables et l’impact de ces dernières sur les process et les contrôles…
Un environnement qui nécessite de ce fait une approche différente et surtout évolutive en matière de gestion des risques.. Ce qui m’a frappé en revanche, c’est la quasi-absence de méthodologies IIA, IFACI, ou d’autres sources de documentation relative à la gestion des risques dans ce type d’environnement.
L’aspect « tech » entraîne aussi une complexité particulière ?
A.R. : Nous sommes dans un monde où les entreprises sont dépendantes de la technologie, mais avec un degré de dépendance qui varie. Pour une insurtech, l’aspect technologique est évidemment plus présent dans l’ADN de l’entreprise que pour un assureur traditionnel. Nous devons tenter d’industrialiser un maximum de choses, aussi bien dans notre cœur de métier qu’en ce qui concerne les process connexes.
Si nous prenons comme exemple les aspects RH la composition des équipes des entreprises de ce type est sensiblement différente de celle des acteurs traditionnels, car la proportion des collaborateurs tech et assimilés est nettement plus importante puisqu’elle représente entre 60 et 70% des effectifs. Ce qui peut sensiblement modifier l’approche de la gestion des RH en comparaison d’une compagnie d’assurance traditionnelle. Il y a de nouveaux métiers, des profils plus jeunes avec une moyenne d’âge inférieure à 30 ans, une tension sur ces profils aussi, car l’ensemble du marché de l’emploi les recherchent, ce qui rend leur attraction, leur mobilisation et leur rétention plus difficiles…
Et sur le plan de l’audit et du contrôle internes, quelles sont les particularités d’une entreprise à croissance rapide ?
A.R. : L'organisation évolue très rapidement, certains process que l’on pourrait mettre en place aujourd’hui ne seront probablement plus d’actualité dans 6 à 9 mois : les équipes vont évoluer, s’étoffer, se spécialiser, de nouveaux produis seront commercialisés, etc. Dans ces conditions, si l’on prend l’exercice d’identification et d’évaluation des risques, effectuer un travail de risk assessment sur une base annuelle n’est plus suffisant car le profil de risque peut évoluer considérablement durant l’année. Il est donc nécessaire de mettre à jour le registre des risques tout au long de l’année et faire preuve d’une certaine flexibilité en matière de planification des audits, c’est-à-dire être en mesure de revoir l’ordre de priorité des missions et garantir in fine une couverture de l’univers d’audit en suivant une approche basée sur les risques.
Quand on pense qu’il n’y avait que 3 licornes françaises en 2017 et que nous en sommes à 29 aujourd’hui, il est clair que les risques que j’évoque concernent un nombre croissant d’entreprises. Certaines organisations de ce type, en raison d’obligations réglementaires sectorielles, ont des dispositifs de gestion des risques, mais ce n’est cependant pas le cas de toutes. Il y a donc un véritable besoin en la matière, d’autant plus que le gouvernement français a pour ambition de favoriser le développement de ce type d’organisations. Il y aura donc de plus en plus de sociétés concernées.
Votre initiative ne concerne-t-elle que ces nouvelles entreprises à forte croissance ou peut-elle intéresser des grands groupes matures ?
A.R. : Il existe au sein des grands groupes des initiatives d’intra-entreprenariat, via des incubateurs internes dans certains cas, ou encore des initiatives de type greenfield4, mais on se rend bien compte que l’on ne peut pas appliquer les standards d’un grand groupe à une start-up, même intégrée. Ce serait d’ailleurs de mon point de vue le meilleur moyen de tuer l’esprit entrepreneurial. Ces initiatives comportent cependant des risques dont certains nécessitent d’être gérés, ce qui n’est possible qu’a condition qu’ils soient correctement identifiés et compris par les équipes en charge de leur supervision. Il existe rarement des référentiels internes adaptés aux questions de compliance, d’audit ou de contrôle internes pour ce type d’activités nouvelles. Les grands groupes devraient donc également être intéressés par notre initiative.
« D’abord un espace d’échange entre professionnels qui font face à des problématiques similaires »
Vous venez de créer une communauté, comment s’est déroulé le lancement, que vient-on y chercher et comment la rejoindre ?
A.R. : Nous avons commencé par organiser un premier webinar de lancement5, au cours duquel nous avons pu expliquer quels étaient nos objectifs et quelles entreprises pouvaient être susceptibles d’être intéressées par cette communauté : celles dont l’empreinte géographique évolue rapidement, celles à forte composante tech, les start-ups intégrées à des grands groupes, mais aussi les entités qui sont dans l’optique d’un évenement de liquidité (recapitalisation, entrée en bourse, absorption…) Ces dernières peuvent d’ailleurs parfois sous-estimer l’impact de la gestion des risques sur leur valorisation.
Ce que l’on propose, c’est d’abord un espace d’échange entre professionnels qui font face à des problématiques similaires, avec l’apport de ceux qui pourront partager des retours d’expérience, mais permettre également a ceux qui ont un besoin spécifique de le partager avec la communauté. Nous allons initier des réunions, de nouveaux webinars, produire des articles, des fiches techniques, organiser des ateliers collaboratifs et proposer des interventions externes. Nous sommes évidemment aussi preneurs de propositions des participants, de leurs attentes.
Pour en savoir plus, contacter : Adel RAHMANI ou Stéphanie GOASGUEN sur Workplace
1 https://descartesunderwriting.com/
2Entité qui utilise l’innovation technologique pour améliorer l'efficacité du secteur de l'assurance.
3 Descartes Underwriting, fondée par un groupe de « vétérans de l’assurance », mais aussi par des scientifiques spécialistes du climat, travaille plus particulièrement sur les risques liés à cette question en intégrant des datas issues de nombreux types de supports (images satellites, stations de capteurs, radars, objets connectés) et retraitées par les algorithmes mis au point par l’entreprise.
4 Greenfield est un terme utilisé pour décrire un projet ou une activité qui commence dès le début
5 Pour le consulter, suivre ce lien :
https://ifaci.workplace.com/events/3403682059947733?ref=newsfeed