12 mars 2023
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« Répondre aux attentes des parties prenantes et aux évolutions majeures de nos métiers »
Hervé Cavey est le coordinateur du groupe de travail chargé, en lien avec l’IFACI, de la traduction de la révision des normes de l’IIA (Institute of internal auditors1). Il s’est entouré d’une quinzaine d’experts venus de nombreux pays francophones afin d’établir le document qui servira de base à une grande consultation, à partir du mois d’avril 2023.
Pourriez-vous nous dire ce qui vous a conduit à vous investir dans ce projet ?
Hervé Cavey : Au départ, j’ai un double-profil, puisque j’ai débuté comme inspecteur des impôts, puis j’ai travaillé en cabinet d’audit avant de revenir dans le secteur public. Je suis consultant indépendant depuis vingt ans en audit interne, contrôle interne et gestion des risques, certifié CIA, et partenaire depuis aussi longtemps de l’IFACI. Notamment en ce qui concerne la formation. J’ai participé par exemple à la création de formations clés, comme la méthodologie de l’audit interne. Et il m’est arrivé aussi régulièrement de travailler avec l’IFACI dans le cadre du service aux adhérents sur des problématiques en rapport avec les normes. J’avais ainsi déjà participé au travail de traduction des normes il y a une vingtaine d’années.
Quel est exactement l’objet de la révision des normes IIA et les raisons qui ont conduit à cette évolution ?
H.C. : Ces normes n’avaient pas été révisées depuis 2016 et elles doivent répondre à un double-enjeu. D’abord répondre aux attentes et aux besoins des parties prenantes (organes de gouvernance, de régulation, organisations internationales…) qui ont évolué ces dernières années en fonction de l’environnement car l’audit interne a pour ambition de les aider à mieux faire face à cet environnement et à mieux gérer les risques. Or, on voit bien depuis une dizaine d’années que ces risques extérieurs deviennent de plus en plus prégnants, qu’il s’agisse de risques climatiques ou géostratégiques notamment.
Le second enjeu est propre à l’audit interne lui-même. Car à côté de ce métier ce sont également développés ceux de contrôleur interne et de gestionnaire des risques qui occupent une place de plus en plus importante. Il importe donc d’en tenir compte. Trois secteurs différents pour lesquels l’audit interne joue un rôle particulièrement déterminant, à savoir la banque, l’assurance et le secteur public ont connu des évolutions majeures, avec des enjeux importants au niveau opérationnel et international. Là aussi il convient de prendre en considération ces changements.
« Marquer la diversité de l’audit interne est important »
En quoi considérez-vous que l’IFACI était la meilleure structure pour encadrer la révision de la traduction de ces nouvelles normes ?
H.C. : L’IFACI est un acteur majeur de l’audit interne qui a une parfaite connaissance de l’ensemble des métiers du risque et du contrôle . Mais l’IFACI a également toujours eu le souci de faire entendre la « petite musique francophone » de l’audit interne. La langue traduit une culture et je ne pense pas que l’on pratique l’audit exactement de la même façon selon que l’on appartient à une culture francophone ou à une culture anglophone. On le voit d’ailleurs bien lorsque l’on interroge des groupes internationaux qui se sont détachés de la francophonie : leur mode de pilotage, de gouvernance, a évolué aussi. Marquer la diversité de l’audit interne est important, me semble-t-il.
Comment sont organisés les travaux et combien de personnes y participent ?
H.C. : Je coordonne 7 groupes organisés en binômes. Tous sont des experts de l’audit interne qui ont été associés entre eux pour essayer d’apporter de la diversité. Et notamment de la diversité géographique, en intégrant des experts belges, suisses, marocains, canadiens… Les normes se présentent sous forme de domaines. 5 domaines qui ont été répartis au sein de ces 7 groupes, sachant que certains domaines, du fait de leur taille, sont traités par 2 binômes. Chaque membre du binôme traduit une partie de ces normes et chacun revoit également le travail de l’autre membre. Et de mon côté, je supervise l’ensemble et je revois chacun des travaux.
Nous faisons aussi intervenir un membre de l’IFACI pour revoir le lien entre la déontologie telle qu’elle est vue par l’IIA et telle qu’elle est vue par un autre organisme, l’IFAC (International Federation of Accountants2), qui représente notamment les commissaires aux comptes.
Enfin, nous aboutissons à une traduction de chacun des domaines. Le but ultime est d’avoir une traduction unique des normes, en choisissant le mot qui convient le mieux. Ce qui n’exclut pas de devoir développer des lexiques pour chacun des pays autres que la France, notamment lorsque le texte se réfère à des termes légaux. L’appellation « commissaire aux comptes » n’est par exemple pas la même selon les pays.
Quant à la structure des normes elle-même (les titres, les chapitres, etc.), tous les groupes travaillent ensemble pour proposer des traductions.
« Aussi bien un outil de bonne pratique interne que d’évaluation externe »
Pourquoi selon vous les auditeurs internes doivent se préoccuper de cette thématique de la révision des normes dès maintenant ? Quelles sont les prochaines étapes ?
H.C. : La traduction de ces normes va être soumise à une consultation. Cela fait partie du processus de normalisation. À cette occasion, tous les acteurs et les parties prenantes auront à répondre à un questionnaire sur le site de l’IIA à partir du mois de mars. Et pour les francophones, une consultation va également être menée à partir du mois d’avril. Les auditeurs et contrôleurs internes ont donc tout intérêt à s’informer le plus tôt possible sur cette évolution des normes. Une information d’autant plus importante que les régulateurs extérieurs – notamment dans la banque et l’assurance – devraient continuer à évaluer les audits internes des organismes régulés au regard de ces normes. Normes qui sont donc devenues aussi bien un outil de bonne pratique interne que d’évaluation externe. Et la consultation sera bien sûr également l’occasion pour les auditeurs internes de donner leur avis sur cette révision des normes et leur traduction.