16 novembre 2020
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Par défaut les missions d'audit ou de contrôle devraient d'abord s'envisager à distance
Stéphane Béas est conseiller en audit interne, contrôle interne, gestion des risques et conformité. Il est également formateur à l’IFACI depuis 20 ans et certificateur depuis 15 ans. Il a dû mener ses missions à distance depuis le début de la crise du COVID. Hormis la difficulté bien connue de concilier vie de famille et travail dans un même lieu, pour lui les avantages l’emportent nettement sur les inconvénients. Et à l’avenir, les missions d’audit à distance pourraient avoir avantage à se développer.
« Habituellement, mes missions se déroulent bien sûr en majeure partie chez les clients, dans leurs locaux, » explique Stéphane Béas, « mais avec le confinement, tout s’est arrêté et il a fallu être réactif ». Côté formations, il a adapté son programme pour pouvoir intervenir en distanciel et a pu organiser plusieurs webinars avec l’IFACI, animant également les clubs DAI et DCI. Et côté clients, deux principalement ont poursuivi leur activité presque normalement et il lui a donc fallu être en mesure de poursuivre auprès d’eux ses missions de conseil en matière d’audit, de contrôle, de risque et de conformité. « Ils étaient même plutôt en suractivité, » poursuit-il, « et pour ma part, il fallait pouvoir réaliser les mêmes travaux, rendre les mêmes services ».
Pour autant, Stéphane Béas n’a pas eu le sentiment de rencontrer des difficultés majeures : « Nous faisions déjà régulièrement une bonne partie de travail à distance, ce qui a changé, c’est l’ampleur. Passer du jour au lendemain à 100 % de distanciel. Mais les outils étaient là pour poursuivre les missions : Zoom, Teams, Skype... Et en tant que consultant indépendant, on doit être équipé pour une connexion parfaite, avec fibre, routeur, etc. ». Dans ces conditions, seules les questions d’organisation pour travailler chez soi ont pu évidemment être parfois problématiques. Gérer des réunions en visioconférence depuis son appartement quand on a une famille autour n’est pas toujours simple. Et même si les interlocuteurs sont forcément compréhensifs, ce peut être à la longue un handicap. « Mais c’était le cas surtout pendant le confinement, depuis juin, il n’y a plus de difficultés d’organisation », reconnaît-il.
Voit-il dans le travail à distance d’autres limites, notamment dans le cadre des missions d’audit ? Plutôt en fait beaucoup d’avantages, avec d’abord une productivité en hausse : « On fait de plus longues journées sans même s’en rendre compte, en visioconférence on va directement à l’essentiel, les réunions s’enchaînent, on déjeune rapidement, on passe même moins de temps en pause café, » s’amuse-t-il. Sur la spécificité des missions d’audit et de contrôle et la difficulté évoquée par certains de ne pas avoir le même ressenti à distance de l’aspect « comportemental » de leurs interlocuteurs, qui serait également source d’informations, Stéphane Béas est dubitatif : « Je ne trouve pas qu’il y ait une vraie différence, et puis nous travaillons surtout sur des sujets techniques de fond, sur base de preuves. Le non-verbal, selon moi, ne revêt pas une telle importance que l’on doive systématiquement se trouver physiquement face à ses interlocuteurs ».
De là à généraliser dans les années qui viennent les missions d’audit et de contrôle à distance, il reste mesuré : « Les généraliser, non, c’est une question d’équilibre. Mais je pense que leur part devrait devenir nettement plus prépondérante et même, par défaut, les missions d’audit devraient d’abord s’envisager à distance. Et l’on ne devrait donc se déplacer que lorsque c’est réellement nécessaire. Pour les missions concernant la fraude en revanche, la visite sur site est essentielle... ».
Selon Stéphane Béas, ce sont surtout des limites culturelles qui constituent un frein au développement du travail à distance. Beaucoup d’entreprises préfèrent demeurer dans des modèles qu’elles connaissent. Pourtant, tous les outils développés depuis quelques années permettent de l’envisager : la communication numérique déjà évoquée bien sûr, mais aussi les logiciels de traitement de la data. « L’exploitation des données est aujourd’hui possible à distance, le process-mining comme le data-mining s’est considérablement amélioré et on peut maintenant traiter un grand nombre d’informations extrêmement rapidement sans se déplacer. Pour toutes les organisations financières notamment, comme les banques ou les compagnies d’assurance, une mission sur place n’est pas toujours indispensable ».
Les avantages seraient en revanche nombreux : un bilan carbone de l’entreprise revu à la baisse, des coûts de déplacement évidemment moindres, mais aussi un net avantage en termes de recrutement de talents : « la perspective d’être une grande partie de l’année loin de chez soi peut priver nos métiers de grandes compétences : celles de jeunes réellement faits pour ce travail. Même chose pour les personnes à mobilité réduite, dont on parle moins, mais qui ont souvent des profils recherchés qui nous manquent. Nous n’avons pas besoin uniquement de jeunes diplômés qui parlent anglais ».
Pour autant, si Stéphane Béas a bien ressenti une accélération de la pratique du travail à distance qui pourrait perdurer – « Pour la première fois, nous avons tous pu l’expérimenter en même temps, quel que soit le pays » - il n’imagine pas rapidement un changement radical dans tous les secteurs, certaines organisations peu digitalisées, exigeant encore pour un temps des missions en présentiel : « Mais il est certain que la digitalisation a rendu possible une autre façon de travailler qui a de nombreux avantages et ne pas tenir compte de ce virage serait une erreur stratégique ».