05 février 2024
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« Les mémoires et les profils des candidats montrent que nous avons à traiter des sujets de plus en plus variés »
Créé en 1985, le Prix Étudiant IFACI (Prix Olivier Lemant) est destiné à récompenser les travaux universitaires en matière de gouvernance, de gestion des risques, de contrôle et d’audit internes. Loïc Le Roy, Président fondateur chez Cortona Conseil et membre du jury, nous parle des mémoires reçus pour cette nouvelle édition et du profil des candidats, qui témoignent de l’évolution de nos métiers.
Comment se déroulent les délibérations du Prix Étudiant IFACI ?
Loïc Le Roy : Nous avons reçu cette année une quinzaine de mémoires de candidats. Béatrice Bon Michel, présidente du jury, a réalisé une première sélection, en mettant de côté ceux qui étaient trop éloignés des sujets d'audit, de risque ou de contrôle interne pour pouvoir concourir. Sept mémoires ont été retenus et répartis entre les sept membres du jury : quatre membres de l’IFACI et professionnels de l'audit et du contrôle interne, et trois universitaires, directeurs de masters en audit et contrôle. Nous nous sommes fondés sur plusieurs critères pour les évaluer, et notamment leur intérêt pour la profession (est-ce que ce mémoire a une utilité directe ou même indirecte ?) et leur aspect novateur (que ce soit sur le choix du sujet ou la façon de le traiter). Finalement, nous avons retenu trois candidats en soutenance.
Lesquels avez-vous retenu ?
L.L.R. : Nous devions départager trois travaux qui traitaient à la fois de sujets d’actualité, mais vus sous cet angle novateur que j’évoquais, et avec un véritable intérêt du point de vue des adhérents de l’IFACI. Deux traitaient de la Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) - un sujet majeur depuis plusieurs années et qui nous a semblé d’autant plus intéressant au regard des nouvelles directives CSRD1 - et le troisième de la blockchain. Ils étaient tous trois très intéressants et le choix final a été difficile.
Le lauréat, Victor Delpoux, a présenté un mémoire intitulé « L'élargissement du périmètre de l'audit interne au développement durable : le cas d'un grand groupe français ». L’idée était d’étudier la façon dont l'audit interne s'adapte à des sujets de type RSE dans l'entreprise. En prenant l’exemple d’une organisation en particulier - Decathlon - avec à la clé des bonnes pratiques pouvant être adaptées à n’importe quelle entreprise française, et avec un volet RH très intéressant.
Parmi les deux autres mémoires finalistes, celui présenté par Emilie Chapot, était intitulé « Les fonctions de contrôle face à la blockchain : risques ou opportunités ». Il dressait un panorama des principaux risques liés à l’usage de la blockchain en entreprise, quel que soit le secteur d’activité de cette dernière, ainsi qu’une première approche des questions à poser en cas de mission d’audit.
Un autre mémoire qui a retenu notre attention, présenté par Manon Abhay, était intitulé « Appréhender la compliance comme un outil intégré à la gestion des risques : le défi des droits humains dans une supply chain globalisée ». Ce qui y était particulièrement intéressant était de voir comment finalement, lorsque l’on fait des audits de compliance, des audits de conformité par rapport aux lois et réglementations en vigueur, non seulement on traite de la loi sur le Devoir de Vigilance et des nouvelles directives CSRD1, avec cette interrogation sur les sujets sociaux et sociétaux, les droits fondamentaux du travail, le travail dissimulé, le travail des enfants… mais surtout on constate que l'audit et la gestion des risques contribuent à améliorer les choses dans ce domaine.
« L’éventail des formations des futurs auditeurs peut être beaucoup plus large »
Est-ce que vous pouvez nous parler du profil des candidats cette année ?
L.L.R. : Les profils étaient assez variés. Le lauréat, Victor Delpoux, a un profil financier, avec une formation initiale à Dauphine, puis une spécialisation en audit et contrôle internes élargie au périmètre du développement durable,. La deuxième candidate, Emilie Chapot, est une professionnelle qui a travaillé près de 20 ans en entreprise, dont 15 dans le secteur bancaire, avant de reprendre ses études en risk management et audit. Dans son parcours, elle avait été confrontée à la question de la blockchain et des cryptomonnaies. Quant à la troisième candidate, Manon Abhay, elle a un double profil, Sciences Po et école de commerce. L’aspect géopolitique des droits humains, lié à son parcours à Sciences Po, s’est vu complété par l’approche compliance, gestion des risques et audit interne au travers de sa formation en école de commerce.
Qu’est-ce que ces profils et ces travaux disent de l’évolution des métiers du risque ?
L.L.R. : À mon sens, cela dit surtout que nous avons à traiter des sujets de plus en plus variés. À l’origine, l’audit et le contrôle internes portaient avant tout sur des risques d’ordre financier. Et le parcours classique était de passer par l’audit externe, avec de solides bases en finance. On se rend compte aujourd’hui que bien d’autres facteurs de risque entrent en ligne de compte, comme les risques sociaux et environnementaux ou les risques cyber. L’éventail des formations initiales des futurs auditeurs internes peut donc être beaucoup plus large. Les auditeurs ou contrôleurs internes doivent maintenant avoir au moins une appétence pour ces sujets, sans être pour autant forcément des experts de l’intelligence artificielle ou de la blockchain.
Quels sont les sujets que vous auriez aimé voir traités et qui ne l’ont pas été ?
L.L.R. : Je suis membre du jury depuis trois ans et c'est vrai que l'année dernière nous avions eu deux mémoires qui traitaient de l'intelligence artificielle. Le sujet était très nouveau à l’époque, on manquait alors encore un peu de maturité. Mais c’est un sujet qui est maintenant dans l’actualité depuis de longs mois, avec ChatGPT et des initiatives comme Gaïa2. Je suis assez étonné qu’aucun mémoire sur les quinze n’ait porté sur cette révolution. Avec deux axes possibles, opportunités ou risques : d’un côté comment l’IA peut être un outil au service de nos métiers, en permettant notamment une exhaustivité de contrôle qu’un humain ne peut pas atteindre, et de l’autre, comment auditeur des risques liés à l'intelligence artificielle pour une entreprise.
Rendez-vous sur la page du Prix Etudiant IFACI (Olivier Lemant) pour en savoir plus
1 Corporate Sustainability Reporting Directive, publiée en avril 2021, et qui remplace la Non Financial Reporting Directive (NFRD).
2 https://blog.ifaci.com/gaia-le-chatbot-dintelligence-artificielle-des-metiers-du-risque/