29 août 2017

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L’audit interne et la quatrième révolution industrielle

J’ai récemment été cité dans un article du Forbes magazine concernant la possibilité que l’intelligence artificielle remplace un jour l’audit interne. Selon moi, la capacité grandissante des technologies de pointe à piloter des systèmes importants et complexes ne représente pas une menace pour les auditeurs internes. Au contraire, cela leur permettra d’aider de manière plus efficace les organisations à résoudre leurs problèmes et à atteindre leurs objectifs. J’en suis toujours convaincu. Toutefois, l’article ne faisait pas mention de la façon dont l’intelligence artificielle et les innovations technologiques changeront fondamentalement le monde des affaires et, par conséquent, la nature des missions confiées à l’audit interne. Nous sommes à l’avant-garde de ce que l’on appelle la quatrième révolution industrielle. Alors que les trois précédentes révolutions industrielles (machine à vapeur, électricité et informatique) ont conduit à des améliorations régulières, la quatrième laisse présager un changement colossal. La quatrième révolution industrielle (4RI) se définit comme la fusion des mondes physique, numérique et biologique susceptible d’avoir un impact sur toutes les disciplines, économies et secteurs d’activité. Que ce soit en mettant fin à la dépendance aux énergies fossiles ou en créant une synergie entre l’homme et la machine, la quatrième révolution industrielle ne promet pas seulement des innovations majeures et la disruption numérique mais un véritable bouleversement au niveau des organisations, des normes socioéconomiques, des gouvernements et de l’expérience humaine. Cette transformation cataclysmique entraînera une réécriture du contrat implicite qui existe entre les entreprises et leurs clients. Ce qui est troublant, c’est que les organisations n’y sont pas préparées. Prenons l’exemple de la disruption numérique. Près de trois dirigeants sur quatre (72%) ayant répondu à l’enquête d’IBM et de la Harvard Business Review (HBR) ont déclaré être affectés par la disruption numérique du fait de la concurrence dans les trois prochaines années. Encore plus perturbant : un tiers des 600 dirigeants interrogés ont estimé que leur organisation était inefficace en termes d’adoption des nouvelles technologies. Le rapport d’enquête intitulé « From Data to Disruption : Innovation Through Digital Intelligence », décrit la disruption numérique comme une compétition que se livrent les organisations qui « exploitent les technologies digitales dans le but de comprendre les clients, d’anticiper les évolutions du marché et d’innover plus vite que leurs concurrents. » Le rapport d’IBM et de la HBR identifie trois étapes pour devenir un acteur de l’innovation digitale :
  • Créer une stratégie qui inclut la prise de risque.
  • Adopter une approche agile et itérative de l’innovation.
  • Promouvoir une culture axée sur les données dans toute l’organisation.
Les responsables de l’audit interne devraient tenir compte de ces étapes pour leur propre fonction d’audit et déterminer s’il convient de conseiller au management et au Conseil de les adopter à l’échelle de l’organisation. La première recommandation (créer une stratégie qui inclut la prise de risque) est probablement la plus difficile pour les membres d’une profession fondée sur l’art de gérer et de maîtriser les risques. Mais, la prise de risque est cruciale dans le monde des affaires. Chaque création d’entreprise, chaque lancement de produit et chaque innovation permettant de dépasser la concurrence repose sur une prise de risque. Que serait devenue notre profession si elle ne s’était pas mise à l’audit opérationnel dans les années 60 et 70 ? L’audit interne existait déjà depuis des décennies mais était perçu comme une simple extension de la fonction finance. Auparavant, toute notre attention était concentrée sur l’efficacité des contrôles financiers. Dans de nombreuses organisations, nous étions davantage considérés comme un mal nécessaire plutôt que comme un moyen de générer de la valeur tangible. Puis, des « preneurs de risque » et pionniers de l’audit interne ont retiré leurs œillères et commencé à fournir une assurance sur des contrôles autres que strictement financiers. Imaginez également où en serait la profession si les « primo adoptants » n’avaient pas profité des avancées technologiques que l’informatique offrait à l’époque. Au début des années 80, l’outil le plus sophistiqué dont mon service d’audit interne disposait était une calculatrice. L’ère des ordinateurs a transformé notre manière de réaliser des missions d’audit en réduisant considérablement l’utilisation d’échantillons, en améliorant notre capacité à surveiller les interactions et les transactions dans l’organisation et en renforcement notre efficacité. De nos jours, les organisations déploient régulièrement des logiciels complexes destinés à appliquer des méthodologies d’audit en continu fondées sur des contrôles clés. L’importance des progrès technologiques dans l’audit interne est donc indéniable. Ce ne sont là que deux exemples de la façon dont notre profession a été remaniée et ils pourraient être éclipsés par les changements qui se profilent à l’horizon. Nous commençons à peine à gratter la surface avec la disruption numérique. Combinée à l’intelligence artificielle, la robotisation, l’internet des objets, les véhicules autonomes, l’impression 3D, l’informatique quantique, les nanotechnologies et toutes les autres technologies émergentes, la quatrième révolution industrielle métamorphosera à jamais le monde tel que nous le connaissons. Mon opinion sur la possible disruption que l’intelligence artificielle pourrait engendrer dans le domaine de l’audit interne évolue aussi rapidement que le potentiel de l’intelligence artificielle elle-même. Comme je l’ai récemment tweeté, « avis aux auditeurs internes : l’intelligence artificielle offre plus d’opportunités en matière d’analyse rétrospective que de points de vue, et beaucoup moins en termes de prospective. » Pourtant, nul doute que de nombreux experts verraient la « prospective » comme un candidat de choix pour l’intelligence artificielle. Les leaders de l’IIA reconnaissent le risque de disruption numérique que l’intelligence artificielle représente pour la profession. Par conséquent, les recherches et les recommandations sur l’avenir de l’audit interne à l’ère de l’intelligence artificielle deviendront des priorités majeures au cours de l’année à venir. D’ici là, attendez-vous à d’autres réflexions sur le sujet dans mes futurs blogs. Comme toujours, vos remarques sont les bienvenues. Richard Chambers Pour information Richard F. Chambers, Président et directeur général de l’IIA (Institute of Internal Auditors) publie chaque semaine sur son blog InternalAuditor.org un article sur les enjeux et les tendances concernant la profession d'audit interne.