01 mars 2017
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L’audit à l’ère du digital
Au début des années 2000, de nouvelles technologies de l’information sont entrées dans l’entreprise, comme Internet et la messagerie électronique. Les documents de travail se sont ensuite dématérialisés, avec la numérisation. Aujourd’hui, nous en sommes à la digitalisation, c’est-à-dire à une interconnexion permanente entre les collaborateurs et les objets, dans l’entreprise et en dehors. Les nouvelles façons de communiquer peuvent même désormais représenter un enjeu stratégique.
Dans le secteur bancaire par exemple, la banque digitale est un horizon à terme susceptible de révolutionner la relation clientèle, donc le modèle classique d’intermédiation financière. Les comportements professionnels sont aussi impactés par la digitalisation des affaires, et cela quelle que soit la nature de l’activité. Une fois connecté, il est possible de communiquer oralement et visuellement, avec ou sans document partagé, de n’importe quel endroit à n’importe quel moment. La connexion est devenue un impératif professionnel, comme l’était auparavant l’obligation de « pointer » pour attester de sa présence au travail.
Ainsi, la digitalisation s’applique à toutes les directions de l’entreprise. L’audit interne est donc concerné, qui plus est doublement. En effet, l’auditeur interne comme toute fonction dans l’organisation doit adapter ses pratiques professionnelles avec la numérisation et les nouveaux modes de communication. De plus, les process opérationnels qui sont au centre de ses missions sont désormais à évaluer en tenant compte aussi des effets de la digitalisation. Dans cet article, seul le premier aspect relatif au métier d’auditeur interne est analysé.
Auditer, c’est écouter ! Pour toute mission, l’entretien entre l’auditeur et les personnes auditées est indispensable et primordiale pour la collecte d’informations. Cette nécessité concerne chaque phase de la mission d’audit, de sa préparation jusqu’à la réunion de synthèse. Classiquement, l’auditeur rencontre physiquement les collaborateurs audités, de préférence dans un endroit neutre, type salle de réunion, même si le lieu de l’entretien se situe au sein même de la direction sujette à l’audit. Ainsi, d’un point de vue géographique, une mission d’audit interne s’articule habituellement en trois temps : préparation de la mission à la direction de l’audit ; intervention de l’auditeur sur place, dans la direction auditée, pour la réalisation des entretiens et des tests ; rédaction des conclusions et du rapport par l’auditeur une fois celui-ci revenu au sein de sa direction. Avec la digitalisation, cet enchaînement pourrait être révisé.
Les nouveaux outils de communication à distance permettent aisément de se mettre dans les mêmes conditions matérielles qu’un entretien présentiel. Dès lors, on identifie aisément les bénéfices pour l’audit interne d’employer ces moyens pour la réalisation de travaux à distance : économie sur les frais de déplacement, réduction de la fatigue inhérente aux longs trajets professionnels, appel d’air pour le recrutement de collaborateurs sédentaires, réduction du sentiment d’éloignement personnel chez les auditeurs lors de mission de longue durée. Quant aux personnes auditées, les réunions avec l’audit sous forme de visioconférence présentent l’avantage de concilier plus aisément les tâches quotidiennes avec le temps à consacrer aux auditeurs, d’où un impact moindre en terme d’organisation, et aussi très certainement moins de stress du fait d’être sollicité à distance.
Faut-il alors demander aux chefs de mission de maximiser l’usage des nouvelles technologies de communication et qu’ils exigent de leurs équipes à faire de même ? En d’autres termes, est-il envisageable que les entretiens sur place soient réduits à la portion congrue en ne concernant plus que la réunion d’ouverture de mission puis celle de synthèse et de présentation des conclusions ? Certainement pas, pour la bonne et simple raison que tout entretien présentiel dépasse la seule transmission d’informations par l’oral. La gestuelle, la posture, les silences, en disent autant sur leurs auteurs que les paroles…Certes, la communication non verbale appartient au champ de la perception, des impressions, lesquelles en aucun cas ne sauraient être suffisantes pour conclure objectivement et recommander le cas échéant. Mais cette communication n’en est pas moins utile à l’auditeur interne. Elle lui permet de se faire une opinion sur l’ambiance de travail au sein de la direction auditée, de détecter éventuellement des comportements atypiques, d’identifier des sous-entendus lourds de sens. Tout ceci contribue à une meilleure connaissance des activités auditées à partir des conditions dans lesquelles celles-ci sont réalisées.
A distance, la communication non verbale est de moins bonne qualité qu’elle l’est lorsque l’auditeur se trouve sur place. La visioconférence est certainement un très bon outil de communication orale, et même écrite avec le développement des possibilités de partage à distance des documents. Mais pour ce qui est des signaux non verbaux, rien ne sera aussi efficace en termes d’échanges que de se rencontrer en face à face. Auditer, c’est écouter, mais aussi voir ! En outre, une mission d’audit interne ne peut être réussie sans confiance entre audités et auditeurs. Celle-ci ne se décrète pas, elle se construit tout au long de la mission. Cette construction par contre ne serait guère solide si elle était édifiée uniquement à partir de relations éloignées…
Les entretiens présentiels ne disparaîtront pas de la mission d’audit avec la digitalisation, bien heureusement ! Au-delà des aspects techniques et de la diversité des missions, le métier d’auditeur interne tient sa richesse des relations humaines qu’il induit. Néanmoins, les nouveaux modes de communication sont une opportunité pour l’audit à condition de s’intégrer en complément des façons de faire employées ordinairement par les auditeurs internes. Ainsi, il est possible d’envisager que les échanges à distance s’inscrivent particulièrement dans la phase de tests, dès lors que l’auditeur interne ayant bien cerné sur place les activités et process audités en vient à tester les points forts identifiés, ceci en étant présent au sein de sa direction. La visioconférence et le partage de documents à distance peuvent très bien se prêter à l’exercice quand il s’agit de discuter de points d’audit très précis et de questionner les audités sur des éléments relevés par l’auditeur. Pratiquant ainsi, la durée de mission serait indéniablement réduite en compressant les temps imputables à une présence sur place. Ce gain permettrait alors d’optimiser les allocations de ressources en termes de budget d’audit, et ceci pour toutes les missions. De quoi permettre une révision des méthodes d’audit pour accroître la volumétrie des tests, donc leur pertinence. Ou bien encore réaffecter les économies de temps sur la planification des missions pour en augmenter le nombre, et ainsi élargir les champs d’intervention des auditeurs.
Jean-François Caron
Pour aller plus loin :
The Wall Street journal, "Virtual Reality Takes On the Videoconference"