16 juillet 2020
Lecture 4 mn
Il est primordial que l'audit interne soit très présent dans ces moments de tension extrême
Tout au long de la crise de la Covid-19, les groupes de la grande distribution ont dû poursuivre leur activité, dans des conditions souvent difficiles, pour permettre à chacun de pouvoir faire ses courses et se nourrir. Une situation particulière à gérer pour les équipes d’audit interne et des risques, mais riche d’enseignements.
Comme certaines grandes entreprises ayant une forte présence à l’international, avec des filiales notamment en Europe, en Amérique latine et en Asie, le groupe Carrefour a vu venir assez tôt la crise qui se profilait. Et le département d’audit interne a pu réagir très vite lorsque la pandémie a touché l’Europe. « Deux à trois semaines avant le début du confinement en France, nous avions une équipe en Italie où la situation était déjà inquiétante, » confie Guillaume Litvak, Directeur de l’audit interne, des risques et du contrôle interne, « nous avons donc décidé rapidement de les mettre en quarantaine » et de reconsidérer les déplacements initialement prévus au plan d’audit. Pour autant, les missions d’audit n’ont jamais été à l’arrêt : « nous sommes dans un secteur qui a continué son activité, vitale et très im- portante, » poursuit-il, « et nous avons poursuivi notre travail presque comme d’habitude, même si les organisations étaient bien sûr perturbées. Il fallait tout de suite pouvoir accompagner le groupe en étant encore plus opérationnels pour pouvoir aider à régler les urgences ». Un travail qui a alors par- fois dépassé le cadre habituel de l’audit. « Dans une telle situation, il est essentiel que tout le monde contribue à son niveau. Nous avons été volontaires, comme dans d’autres départements, pour aider les magasins touchés par les pics d’activité ou l’absentéisme ou participer au call center. Nous avons participé également, avec la deuxième ligne de défense, à l’audit de la mise en place des gestes barrières dans les magasins », explique encore Guillaume Litvak. Au cœur de la crise, le rôle de l’audit interne est resté très important.
« Dans des circonstances aussi exceptionnelles, il faut parfois savoir ne pas suivre le plan d’audit à la lettre. Une version révisée doit pouvoir être présentée au co- mité d’audit tenant compte des fragilités de certains secteurs d’activité et proposant de prioriser certains audits plutôt que d’autres. Même chose quant aux délais d’exécution. Habituellement ils sont très serrés. Nous consacrons deux à trois semaines à la préparation des missions, deux à trois semaines à la mission sur le ter- rain elle-même et à peu près la même durée à la rédaction du rapport. Là encore, il faut savoir faire preuve de souplesse ».
Pour Guillaume Litvak, les enseignements tirés de la pandémie ont été importants, et certains pourraient même avoir des effets durables. « Face à un tel défi, le travail en commun avec le contrôle interne est déterminant et doit pouvoir se développer autour de nombreux sujets (domaines financiers, procédures d’inventaires, encaissements, etc.) »
Quant au rôle de manager de département, il a évidemment dû évoluer de façon importante. « Sans tomber dans le micro-management, avoir toutes ses équipes en télétravail nécessite d’être plus présent, plus à l’écoute encore que d’habitude, » explique le Di- recteur de l’audit interne, des risques et du contrôle interne de Carrefour, « il faut savoir donner de la confiance, appeler plus souvent ceux qui en ont be- soin, chaque situation personnelle étant différente, tout en maintenant des objectifs clairs autour de la culture du résultat ». Guillaume Litvak a ainsi organisé des points d’équipe chaque semaine mais aussi des « e-cafés » l’après-midi pour des moments de convivialité qui ont été autant d’occasions de resserrer les liens.
Le passage des équipes en télétravail a aussi été propice pour développer de bonnes pratiques. Les audits à distance ont été faits en vidéo à chaque fois que cela était possible plutôt qu’au téléphone : « L’expression non-verbale des audités est très importante pour le travail de l’auditeur, qui risque de perdre en qualité s’il n’est, par exemple, pas en me- sure de ressentir la gêne de ses interlocuteurs dans une attitude... ».
Enfin, la crise de la Covid et ses conséquences ont mis en évidence, s’il en était encore besoin, l’importance grandissante de la data, surtout dans une entreprise comme Carrefour qui traite des millions de données. Guillaume Litvak a donc tenu à ce que ses équipes profitent de cette période pour s’assurer être « à niveau » sur le sujet, à travers une « formation diplômante interne en 4 niveaux » sous forme de quiz. Un diplôme « honorifique », mais tout le monde a joué le jeu. « Une meilleure connaissance des possibilités offertes par la data (et le data mining en particulier) va nous permettre d'accélérer la transformation digitale de l'audit interne et de surveiller les opérations même dans des pays éloignés ».
Si la crise de la Covid a fait évoluer l’image de la grande distribution – « nos collaborateurs étaient là, présents, et les clients internes ont pu l’apprécier » - la pandémie va aussi pousser l’audit in- terne à évoluer. « Nous devrons être en mesure d’évaluer toujours plus rapidement les risques, de nous poser les bonnes questions, de savoir comment mieux les gérer, mieux les contrôler à tous les niveaux (supply chain, approvisionnements, paniers moyens des consommateurs...). Et même s’il n’est pas toujours facile de convaincre d’investir sur de telles hypothèses et d’anticiper des risques presque improbables comme une pandémie de cette ampleur, nous ne pourrons plus mettre de côté les “risques à faible probabilité mais à fort impact” ».