02 février 2025

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CSRD : un nouveau livrable de l’IFACI sur les bonnes pratiques et les partages d’expériences

Alors que les organisations soumises à la CSRD1 devraient diffuser prochainement leurs premiers rapports, dans un contexte d’incertitudes sur l’avenir de la directive européenne, l’IFACI publie un document de référence sur le sujet2. Un travail réalisé à la suite d’ateliers auxquels ont participé des adhérents de 10 grandes entreprises et présenté par ses auteurs, Virginie Masurel, fondatrice du cabinet de conseil NEO IMPACT, et Xavier Guizot, fondateur du cabinet de conseil TIREZIAS.

Comment se sont déroulés les travaux ayant conduit à la rédaction de ce livrable ?

Virginie Masurel : L’IFACI a souhaité créer un groupe de travail avec des professionnels de l’audit, du contrôle interne et du risque, constitué d’une dizaine d’organisations soumises à la CSRD dès la première année, donc en 2025 sur les données de l’année 2024, ou en 2026 sur l’année 2025. Chacune de ces organisations ayant un degré d'avancement et de maturité différent. Nous avons réalisé un premier atelier qui visait à recenser les besoins d'échanges pour que ce groupe de travail produise des éléments qui soient utiles à tous : aux participants, bien sûr, mais aussi plus largement à la communauté IFACI, le but étant d'en extraire des bonnes pratiques ou des points de vigilance.

Aviez-vous des thématiques précises ?

V.M. : Nous avons identifié avec le groupe de travail trois thématiques : la matrice de double matérialité, qui est un point important de la CSRD, le contrôle interne dans la mise en place du reporting et l’audit interne. Nous nous sommes réunis à cinq reprises pour ces ateliers d’échanges. Pour chaque session, nous préparions à l’avance une petite note qui visait à proposer un certain nombre de questions à débattre, ainsi qu’une veille sur l'actualité qui a été conséquente sur le sujet ces derniers mois. Et enfin un sondage rapide, avec cinq ou six questions maximum à chaque fois, pour sentir le pouls, savoir où chacun en était et animer les échanges à partir de ce contenu.

Les participants à ces ateliers ont eu l’occasion d’exprimer leurs besoins, leurs retours d’expérience, leurs difficultés ?

Xavier Guizot : C'était effectivement une opportunité pour chacun d'arriver avec des questions très pratiques, liées souvent aux problèmes rencontrés. Des problèmes soumis à l’ensemble des participants qui ont constitué un benchmark en live, avec un côté très dynamique. Toutes les questions soulevées étaient très précises et pratiques, et c’est ce que nous avons voulu faire ressortir dans le document final.

C’est un guide purement méthodologique ?

V.M. : Non, car il y a déjà eu beaucoup de guides méthodologiques sur le sujet, y compris publiés par l’IFACI3. Nous ne voulions pas leur dire à travers ce document « vous devez faire votre analyse de double matérialité de cette façon, etc. ». L'idée n'était pas de se substituer à l'existant, mais plutôt de compléter les guides déjà publiés, tout en proposant des bonnes pratiques, avec des éléments et des exemples concrets et la possibilité de se dire « je suis bien dans la bonne direction » ou alors « il faut que je fasse attention à ne pas commettre cette erreur ».

« C'est un livrable qui parle à la communauté de l'IFACI et qui est ouvert aussi aux autres »

La CSRD implique beaucoup de fonctions dans les organisations, mais pas forcément les fonctions que représente l'IFACI…

V.M. : C’est vrai, en revanche elles y contribuent toujours. Selon les organisations, les auditeurs et contrôleurs internes vont être plus ou moins impliqués. Nous voulions donc réaliser un livrable qui leur parle et qui leur dise comment leurs fonctions sont concernées, avec quelles conséquences, et comment ils peuvent s’emparer du sujet. C'est donc un livrable qui parle à la communauté de l'IFACI mais qui est aussi ouvert aux autres parce que la CSRD soulève aussi des questions autour de la transversalité, du pilotage, de l’organisation. Et donc de l’obligation de dialoguer avec les autres.

X.G. : Ce qui était intéressant dans ce groupe, c’est que les niveaux de maturité étaient extrêmement variés. Avec en même temps une vraie transparence, une vraie confiance. Le but du livrable était vraiment de proposer, comme le disait Virginie, un partage d'expérience. Il a un but pédagogique, une sorte de corde de rappel.

Comment, justement, est-ce que l'on construit un livrable destiné à des professionnels qui ont des métiers différents, des secteurs d’activité variés, avec des niveaux de maturité inégaux ?

X.G. : L'esprit, tout d’abord, c’est de conserver cette idée de partage d'expérience, d'humilité, et de le restituer ainsi. Lorsque nous avons expliqué notre démarche à la conférence en novembre dernier, les réactions des participants ainsi que les questions posées nous ont conduits à simplifier nos propos: restituer les choses de manières pratiques, pragmatiques, sans jargon.

Avec ce document, on arrive à toucher tout le monde. L'idée, c'est vraiment, de faire gagner du temps. Parce que tout le monde se pose les mêmes questions.

V.M . : En sachant que nous nous adressions à des communautés différentes, nous avons organisé le livrable avec un premier socle de bonnes pratiques et de points d'attention qui sont transversaux. Quelle que soit la thématique, ils sont applicables notamment sur la gouvernance du projet, sur la prise de recul, sur la coordination, la communication…

Et ensuite, nous l’avons structuré de la même façon que nous avions organisé les groupes de travail : une thématique matrice de double matérialité, une thématique contrôle interne, une thématique audit interne. Donc, par exemple, les professionnels de l'audit peuvent se référer directement à cette partie. Ce qui ne les empêche pas de regarder, évidemment, ce qui est décrit ailleurs. Mais dans la partie audit interne, ils trouveront par exemple un court benchmark qui va les aider à se positionner par rapport à leurs pairs, à savoir comment les autres s'organisent.

Le document final ne s’adresse pas qu’aux grands groupes…

X.G. : Non, bien sûr. Virginie et moi rencontrons régulièrement de plus petites entreprises qui ne seront confrontées à cette question que dans les années à venir. Et nous devons aussi répondre à leurs questions : « Comment fait-on ? », « Qui pilote ? », « Et dans les autres organisations ? ». Il y a beaucoup d'études et de guides qui ont été produits mais qui peuvent paraître parfois éloignées des problématiques des PME et des ETI et, un peu, entre guillemets, déshumanisées. Là, ce que nous proposons, c’est d’expliquer ce qu'ont partagé des gens qui sont passés par les mêmes étapes. Des responsables des risques, de l’audit et du contrôle internes qui parlent de leur expérience.

« La CSRD est aujourd’hui aussi un sujet de réelle contribution et d'opportunité. »

La CSRD a été au centre de l’actualité ces dernières semaines. Avec quelles incidences selon vous sur son application ?

V.M. : Cela bouge tous les jours. On entend parler de simplification, de report, de réhaussement des seuils d’applicabilité… Tout cela s'inscrivant dans l'omnibus qui vise à retravailler la CSRD et la taxonomie, notamment. Reste que, de toutes façons, les grands groupes cotés, eux, vont publier incessamment leurs rapports. Et les grandes ETI, celles qui produisaient déjà une DPEF, donc au-dessus de 500 collaborateurs, sont déjà en train de se préparer pour 2026.

Y-aura-t-il un allègement de certaines obligations sur certains data points qui pourraient être parfois un peu redondants ou représenter ce qui pourrait être perçu comme un excès de formalisme ? Je pense que les fondamentaux, et en tout cas je l'espère, seront conservés, afin que les entreprises communiquent de façon normée et transparente sur la façon dont elles réduisent leurs impacts, sur la façon dont leur business model est résilient par rapport à ces impacts, risques et opportunités. Et qu’elles décrivent comment elles s’adaptent face au changement climatique, tout en gérant les impacts sociaux.

Quelles vont être les suites, au sein de l’IFACI, à la publication de ce document ?

V.M. : Nous allons sans doute continuer ces groupes de travail, ces ateliers, pour échanger sur des thématiques selon les besoins et les attentes des adhérents. Et puis nous allons découvrir les premières publications de reporting des entreprises, qui vont donner lieu à de nombreux benchmarks et entraîner un nouveau rebond. Les entreprises vont regarder ce qu’ont fait les autres, elles vont elles-mêmes être scrutées. Elles vont se rendre compte qu'il y a des sujets sur lesquels elles sont allées plus en profondeur et d'autres peut-être moins. Donc cela va probablement relancer toute une série de questions et de chantiers.

X.G. : Toutes les entreprises ne sont pas concernées au même moment, avec le même rythme ou le même niveau de maturité.  Dans tous les cas, le sujet de la redevabilité, de rendre compte de ses actions et de ses engagements ne devrait pas baisser en intensité au cours des prochaines années, quelle que soit la taille des entreprises, tout simplement du fait de la pression sociétale.  Les entreprises en général, et en particulier les fonctions risques, audit et contrôle internes resteront intéressées à échanger sur ces sujets En fonction des premiers rapports, il va y avoir un accent mis sur certains sujets, qui vont permettre d’envisager une continuité dans les actions. Et puis probablement des retours d’expérience qui vont se dégager également.

Qu’en est-il des nouveaux outils qui pourraient aider à la réalisation des reportings ?

V.M. : Nous l’avons abordé au cours des ateliers, mais, finalement, il y a eu peu de mise en place de nouveaux outils. Une des bonnes pratiques que nous évoquons, c’est que, pour l'instant, mieux vaut attendre d’avoir atteint une certaine maturité dans son organisation avant de mettre en place un nouvel outil.

X.G. : D’autant plus que, de toutes façons, l'outil magique n'existe pas et n'existera probablement pas.

Hormis les difficultés que la CSRD représente pour les organisations, peut-on y voir une opportunité pour nos métiers ?

V.M. : Oui, c’est effectivement une opportunité pour les fonctions représentées par l'IFACI, audit interne, contrôle interne, risque, de décloisonner et de se faire connaître davantage, de se positionner comme un business partner. Parce que dès que l'on parle de fiabilisation, de méthodologie, de processus, de formalisation, ce sont les fonctions qui sont les mieux armées pour y répondre.

X.G. : Il faut arriver à garder cet état d’esprit, sans naïveté bien sûr, mais être bien conscient que la CSRD est aujourd’hui aussi un sujet de réelle contribution et d'opportunité, d’autant plus que le niveau d’exigence et les attentes des parties prenantes ne devraient pas baisser.

1 Corporate Sustainability Reporting Directive, directive européenne destinée à améliorer et à harmoniser la publication d'informations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) par les entreprises.

2 « Partages dexpériences des fonctions risques, audit et contrôle internes dans le cadre de la mise en œuvre de la CSRD » : Lien à créer vers la page de téléchargement

3 Voir la base documentaire de lIFACI : https://docs.ifaci.com/base_documentaire/csrd-les-cles-du-controle-interne-pour-securiser-votre-reporting-de-durabilite/

Les résultats du sondage effectué auprès des adhérents de l’IFACI sur la mise en œuvre de la CSRD

En parallèle de ces ateliers, un sondage sur le niveau d’avancement dans la mise en œuvre de la CSRD a été effectué auprès des adhérents de l’IFACI au mois d’octobre 2024.
  • 77 % avaient finalisé le travail sur la double matérialité.
  • 17 % avaient formalisé le chemin de fer du rapport de durabilité.
  • 75 % indiquaient avoir eu recours à un cabinet externe.
  • 45 % expliquaient se former en interne.
  • 32 % avaient finalisé leur protocole de reporting.
  • 60 % des entreprises avaient réalisé le Gap Analysis.
  • 46 % avaient élaboré le référentiel de data points applicables.