14 février 2024
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« C'est l'horizon temporel qui devrait changer, en ne raisonnant plus exclusivement en risques, mais en prenant aussi en compte les opportunités »
Étudiant en Master Contrôle, Audit et Reporting Financier à l’Université Paris Dauphine, Victor Delpoux a reçu le Prix Étudiant IFACI 2024 (Prix Olivier Lemant)*. C’est son mémoire sur « L’élargissement du périmètre de l’audit interne au développement durable : le cas d’un grand groupe français » qui a été retenu par le jury. Il nous a livré ses premières impressions ainsi que la façon dont il perçoit le métier et son évolution.
Pouvez-vous nous vous dire ce qui vous a poussé à vous intéresser à l’audit interne ?
Victor Delpoux : Cela fait longtemps que je suis intéressé par les grandes entreprises et leur organisation. J'avais vraiment envie de commencer ma carrière dans une fonction qui me permettrait de comprendre leur fonctionnement à 360°. À ce titre, l’audit interne m’a paru intéressant car cela me permet vraiment de comprendre les différents métiers d'une entreprise tout en étant en interaction avec les dirigeants.
C’est dans cette perspective que j’ai rejoint le master Contrôle, Audit et Reporting Financier à l’Université Paris Dauphine pour me former à la profession.
Comment avez-vous choisi votre sujet de mémoire ?
V.D. : J'ai effectué mon master 2 en alternance en tant qu'auditeur interne chez JCDecaux, où je suis finalement entré en CDI. C’est une entreprise qui a une vraie démarche de développement durable. C’était un sujet assez nouveau, d'autant plus en audit interne, et sur lequel j’ai pu travailler dans le cadre d'une approche par les risques.
Pour préparer mon mémoire, j’ai donc cherché une entreprise assez avancée dans ce domaine, qui ne soit pas forcément celle où je travaillais. Mes différentes prises de contact m'ont permis d’apprendre que Décathlon avait engagé une personne dédiée au développement durable au sein de son département d’audit interne. Je leur ai proposé mon projet de mémoire et ils ont tout de suite été ouverts à communiquer et à échanger avec moi sur le sujet. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour les saluer et les remercier.
Vous aviez déjà un intérêt particulier pour le domaine de la RSE ?
V.D. : La stratégie RSE de JCDecaux et les enjeux que cela soulève en ont fait un sujet majeur pour mon poste d’auditeur interne. Mais c’était également intéressant à titre personnel : on voit bien que les fonctions financières ne traitent plus exclusivement les données financières mais aussi les sujets extra financiers. Pour moi cela faisait sens de terminer mes études par un sujet qui allait pouvoir m’apporter des compétences et des clés pour m’insérer sur le marché professionnel.
Le développement durable est un sujet assez vaste… Comment avez-vous déterminé votre angle de travail ?
V D. : Je n’étais pas spécialement parti pour réaliser une étude sur le cas d'une grande entreprise. Je m'étais d’abord dit qu’il serait intéressant de comparer les pratiques dans plusieurs entreprises d'un secteur similaire, et d’observer comment elles pouvaient avoir des approches différentes pour traiter ce sujet au sein du département d'audit. Mais je me suis rendu compte qu’il y avait finalement très peu d'entreprises qui traitaient réellement le sujet du développement durable. Dans ces conditions, j’ai pensé qu’il serait plus intéressant pour les professionnels d'étudier, en détail, le cas d'une grande entreprise. D’autant que lorsque j’ai réalisé la revue de la littérature existante j’ai constaté qu’il y avait peu de documentation sur des approches concrètes en la matière. Je me suis donc dit que mon travail pourrait apporter des pistes en étudiant ce qui se passait dans une grande entreprise investie sur le sujet du développement durable.
« Une table-ronde autour du sujet du développement durable dans l’audit interne le 20 mars »
Qu’est-ce qui a, selon vous, fait la différence avec les autres mémoires qui concouraient pour le prix ?
V.D. : C’est difficile à dire, mais je pense que j’ai pu apporter un premier éclairage sur un sujet actuel qui est aux prémices de grands changements pour les entreprises et in fine pour la fonction d’audit interne.
Toutefois, c’est un travail qui n’est pas encore totalement abouti. Un membre du jury m’a fait la remarque que j’insistais beaucoup sur la relation entre les auditeurs ayant une appétence pour la finance et l'auditeur en charge du développement durable. Il soulignait que dans les départements d’audit interne, il y avait aussi des auditeurs avec un profil moins financier, plus impliqués dans l’ingénierie par exemple, et qu’en revanche je ne m’intéressais peut-être pas assez à leur propre rapport au développement durable, sans doute différent … Je pense qu'il y a encore plusieurs points que l’on doit continuer à étudier.
Comment envisagez-vous votre carrière ? Est-ce que ce travail et votre prix peuvent changer votre vision des choses ?
V.D. : Je suis assez jeune, donc c’est sans doute un peu tôt pour parler de carrière. Je suis plutôt dans l'optique de continuer à découvrir le fonctionnement de l'entreprise, et de ne pas encore me fixer. J'ai envie d'échanger avec les personnes, de voir comment une entreprise s'articule dans les processus, dans les métiers. L'audit interne est donc un bon point de départ, qui me donnera peut-être ensuite envie d'évoluer dans une partie plus opérationnelle, afin de pouvoir mettre en œuvre des actions plus concrètes.
Quant à ce que le prix m'a apporté, c'est encore tout récent, je n'ai pas beaucoup de recul sur la question. Mais c'est vrai que cela permet d'avoir une visibilité auprès de différentes entreprises, de pouvoir échanger avec de nombreux professionnels. Une table-ronde autour du sujet du développement durable dans l’audit interne organisée par l’IFACI est d’ailleurs prévue le 20 mars, et mon travail sera une des sources de la discussion. C’est forcément une chance, et bien sûr très valorisant.
Comment, avec votre œil de jeune auditeur, voyez-vous l’évolution de ce métier dans les années qui viennent ?
V.D. : J'ai envie de dire que le métier d'auditeur interne ne va pas fondamentalement changer. Il y avait auparavant la certification des comptes qui était faite par des auditeurs externes et l’audit interne s’intéressait plus en détail à l’ensemble des process internes. Je pense que cela restera assez similaire pour les sujets extra financiers avec la CSRD.
En revanche, là où j'aimerais qu'il y ait une évolution, c'est plutôt sur la manière dont l'auditeur interne aborde son périmètre d'audit. Aujourd’hui il doit avant tout regarder le passé, alors que pour moi, ce qui est important avec le développement durable, c'est bien le futur, avec les enjeux climatiques, la politique sociale… Pour moi, c'est l'horizon temporel qui devrait changer, en ne raisonnant plus exclusivement en risques, mais en prenant aussi en compte les opportunités.
* Emilie Chapot (MBA Management risk and control, à l’Université Paris Dauphine) a obtenu la 2ème place avec son mémoire
« Les fonctions de contrôle face à la blockchain : risques ou opportunités ? »
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