11 octobre 2022

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A quoi ressemblera le prochain jeu de normes extra financières attendues pour novembre

Fin avril 2022 l’EFRAG a publié treize projets de norme de durabilité (ESRS – European Sustainability Reporting Standards). Ces 13 projets concernent l’ensemble des entreprises privées (« sector agnostic »). D’autre standards seront publiés dans les années à venir. Ils porteront sur des informations spécifiques aux secteurs d’activités (« sector specific »).

Dans la foulée, l’EFRAG a organisé une consultation publique qui s’est cloturée le 8 aout dernier, à laquelle environ 500 parties prenantes (auditeurs, investisseurs, entreprises du secteur financier, entreprises industrielles et commerciales, ONGs, chercheurs, etc) ont participé. 

Les réponses ont été analysées courant aout. Les réunions du SRB (Sustainable Reporting Board) et du SR TEG (Sustainable Reporting Technical Expert Group) qui se tiennent depuis début septembre ont pour objet d’intégrer les commentaires reçus pour préparer la prochaine version des normes qui seront publiées en novembre prochain pour une adoption par la Commission européenne en juin 2023 sous forme d’actes délégués. 

L’application par les entreprises cotées publiant déjà une Déclaration de Performance Extra Financière (DPEF) sera effective à partir de l’exercice 2024 (publication 2025). L’application aux autres entreprises cotées et aux entreprises de plus de 250 salariés se fera de façon étalée à partir de cette date. La mise en œuvre des standards ESRS se réalisera donc dans un calendrier particulièrement contraint pour le normalisateur, comme pour les organisations. 

Quelles difficultés d’application ont été remontées à l’EFRAG ? Et quelles sont les directions prises pour y répondre ? 

  • L’EFRAG doit intégrer à cette première version des ESRD les modifications apportées par la version finale de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) publiée fin juin 2022.

Par exemple, en ce qui concerne la gouvernance, la CSRD limite les informations demandées à la façon dont la gouvernance supervise les enjeux ESG alors que les projets de normes prévoyaient que les entreprises donnent des informations sur l’organisation de la gouvernance en général (informations déjà communiquées par les entreprises cotées dans le chapitre « gouvernance » du rapport annuel). Cette modification apportée par la CSRD va dans le sens d’un allègement des obligations des entreprises.

  • L’EFRAG doit faire des propositions à la Commission européenne en termes de priorisation des informations demandées dans les normes ESRS.

Certaines obligations de reporting pourraient être demandées dans une phase ultérieure (par exemple les informations concernant la chaine de valeur), d’autres obligations de reporting pourraient être retirées des normes « sector agnostic » pour être requises seulement pour certains secteurs, dans les normes « sector specific » (attendues à partir de juin 2024).

  • L’EFRAG a reçu de nombreux commentaires pour aligner plus précisément les ESRS sur des référentiels internationaux existants.

Le GRI (Global Reporting Standard) a écrit une lettre de commentaire détaillée avec des propositions d’alignement des obligations de reporting et des définitions apparaissant dans les ESRS sur le GRI. Un grand nombre de ces propositions seront intégrées dans la prochaine version des ESRS.

La TCFD est un autre référentiel souvent mentionné par les parties prenantes, et ce d’autant plus que l’architecture de la TCFD est l’architecture qui a été choisie par l’ISSB (International Sustainability Standard Board). Le TEG a donc étudié la possibilité de réorganiser l’architecture du rapport de durabilité selon les quatre piliers de la TCFD : Gouvernance, Stratégie, Risques (Opportunités et Impacts), et Indicateurs et cibles au cours d’une de ses réunions de septembre.

  • L’EFRAG travaille intensément sur le processus de détermination des enjeux matériels.

Ce sujet est un des sujets les plus controversés des ESRS dans leur version initiale. Le mécanisme « d’hypothèse réfutable » (rebuttable presomption) selon lequel a priori l’ensemble des obligations de reporting incluses dans les normes sont matérielles sauf si l’entreprise justifie que le sujet ne l’est pas, a été très critiqué, en particulier par les entreprises, à qui reviendraient la charge de la preuve sur une longue liste de sujets ESG. Une des propositions étudiées actuellement par l’EFRAG (the light explicit approach) ne requerrait pas de la part des entreprises de justification si un sujet été considéré non matériel.

Pour l’heure, on constate que les pistes étudiées par l’EFRAG vont dans le sens d’un meilleur alignement avec d’autres initiatives internationales, d’une prise en compte des difficultés de mise en œuvre remontées au cours de la consultation et d’un allègement des obligations de reporting pour la première application, ce qui est plutôt de bon augure pour les entreprises. 

Quelle que soit l’issue des discussions avec l’ISSB, le GRI et au sein des instances européennes, la version publiée actuellement constitue un bon aperçu de la version finale et permet d’ores-et-déjà de se préparer au reporting (structure du reporting, nature et granularité des informations requises) ainsi qu’aux activités de contrôle interne que les organisations devront mettre en œuvre. Un point essentiel du dispositif réside dans l’analyse de la matérialité. Une bonne compréhension des attendus du normalisateur dans ce domaine ainsi que l’élaboration d’une méthode fiable sont essentiels.

Références : 

  • CSRD publiée le 30 juin 2022 (version anglaise)
  • Working papers et enregistrements des réunions du SR TEG et du SR Board : EFRAG Meetings Calendar  

Emmanuelle CORDANO

Managing Director CSR4Finance

Senior Project Manager auprès de la Project Task Force – European Sustainability Reporting Standards (PTF-ESRS) de l’EFRAG - European Financial Reporting Advisory Group